New York est en danger ! Un cartel de terroristes transhumains paramilitaires  a pris la ville en otage. Les courageux policiers du NYPD sont débordés, des véhicules explosent, les honnêtes citoyens fuient en masse devant la menace robotisée. Le mal triomphera-t-il aux pieds mêmes de la Statue de la Liberté ?

Loin au large sur un porte-avion de l'armée américaine, deux mâles alpha s'avancent au ralenti vers un hélicoptère de combat. Ils sont les héros de la bannière étoilée, les anticorps de l'Amérique contre le poison des ennemis de la liberté. Rejetant virilement toute approche diplomatique ou attente d'infos de reconnaissance, nos deux soldats du bien biberonnés au coke et aux hamburgers d'Oncle Sam s'envolent, armés de leur seule foi envers le rêve américain et de deux gatlings magiques aux munitions illimitées.

Et c'est parti pour l'expérience Gunblade, de l'arcade à l'état pur comme plus personne n'oserait en faire aujourd'hui. On lâche sa pièce, on attrape le gros flingue IRL qui vibre merveilleusement fort et on mitraille, on mitraille et on mitraille encore.

Visuellement c'est assez vilain, même pour l'époque, on a l'impression d'une ville et d'adversaires en polygones bruts, à peine texturés, mais ce qu'il manque en détails, c'est l'animation qui rattrape : un bon 60 images par secondes sans un pet de ralentissements et une caméra incroyablement dynamique qui suit les mouvements des vilains comme un mélange impie entre la tortue Lakitu cameraman de Mario 64 et Speedy Gonzalez, impliquant totalement le joueur, persuadé durant plusieurs précieuses minutes de survoler la Grosse Pomme sur un engin motorisé de mort.


Niveau tactique les terroristes ont des choses à revoir : par un heureux concours de circonstances, ils ont décidé de porter en terrain urbain des gilets vert ou orange fluo absolument pas camouflants. Quelle décision en leur défaveur alors que vous les dézinguez l'un après l'autre sur Time Square, et ce n'est pas leur arsenal qui va changer le rapport de force : leurs armes à feu sont non seulement très très lourdes à sortir, mais elles tirent de surcroît des espèces de missiles obèses qui vous arrivent dessus à 30 ou 40 kilomètres à l'heure, comme pour vous donner assez de temps pour les détruire en plein vol.

Deux contre une armée dans ces conditions, le rapport de force est tout à votre avantage.

Alors oui bien sûr, on est déjà fan de simulations militaires poussées comme Time Crisis ou Virtua Cop, on s'imaginait peut-être un peu plus de réalisme dans l'action (comme recharger son arme et tirer sur des vrais gens), mais ce qu'on a dans les bras en train de vibrer furieusement c'est en fait un bon tir aux pigeons, sauf que les pigeons c'est des espèces de robots qu'on émiette, membre après membre, à grands coups de rafales. Vous ne ferez pas couler une seule goutte de sang mais alors pour faire péter des trucs, c'est la fête nationale.

Et on mitraille, et on mitraille, et on mitraille encore. Les renégats finissent par appeler du renfort, des camions et des blindés armés de vrai matériel de guerre qui finit par percer vos défenses. "A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire" disait le poète, et puis on se met à la place de Sega et de l'exploitant de salle, il faut quand même inciter le joueur à sortir le portefeuille, alors on se prend soudain un petit game over express juste devant le boss. Les robots maléfiques ont eu de la chance, qu'on se dit, alors qu'on remet une pièce pour avoir le dernier mot. Et panpanpan, panpanpan, c'est reparti pour la séance de vibrations des épaules.


A l'époque le terrorisme est un épouvantail encore très flou dans l'esprit des gens. On vous labellise du criminel armé à tour de bras sans que cela n'évoque jamais rien d'autre que  troubles mentaux et dictateurs mégalomanes défigurés. La connotation géographique et religieuse viendra plus tard, dans des circonstances franchement tragiques.

Le jeu est un succès dans les salles et appelle forcément une suite qui prendra place sur la côte Ouest, à Los Angeles. "LA Machinegun" reprend ces merveilleuses mitraillettes vibrantes mais place en prime la borne sur une petite plate-forme surélevée qui fera vibrer les pieds des joueurs au rythme des explosions. L'expérience de jeu est sensiblement la même, une tornade de bonheur à lutter contre le mal en faisant exploser des trucs, cette-fois ci à Alcatraz (influence Michael Bay encore, oui).

Les deux jeux ont été adaptés en une compilation sur la Nintendo Wii en 2010. La petite Wiimote ne peut évidemment pas répliquer à elle seule l'expérience sensuelle des énormes pétoires de l'arcade mais faire danser du robot meurtrier à coups de rafales reste un plaisir qui ne se démode décidément jamais.

Une petite modification assombrit cependant un peu les retrouvailles : les tours jumelles du  World Trade Center ont été gommées du NY virtuel…