Au fil des 30 dernières années, je suis stupéfait part la quasi systématique prise de conscience du problème seulement une fois celui-ci devant soi.

Dans « Sauvegarder un patrimoine », l’excitant, et j’ai eu plus que quiconque cette frénésie, c’est le patrimoine lui-même : acquisition de machines, restaurations, partages sous toutes les formes possibles…

J’entends les raisons avancées, les ayants moult fois prononcées. Par exemple dans l’acquisition, principalement celle de sauver les machines dans l’urgence pour leur éviter un triste sort ou bien l’occasion qui semble belle et unique sur le moment mais ceux qui se sont trouvés dans ce cas réaliseront avec un peu de recul qu’il ne s’agit le plus souvent que d’une envolée passionnelle : belle j’en conviens.

Très peu ont pris réellement le mot « sauvegarde » comme règle numéro 1 pour guider leur action !

Si l’on doit prioriser dans les différentes significations du mot sauvegarde, il faut mettre en premier le sens de pérennisation et donc d’un local pérenne au début du projet !

Le résumé de cette pensée m'est venu par l’un des pionniers de l’arcade en France, membre fondateur également du James Game Center, Hemvlet, qui dit que lorsque l’on s’engage dans l’acquisition d’un patrimoine, un devoir se crée et il faut être capable de l’assumer ! Sous peine de desservir à un moment donné la mission recherchée de la sauvegarde de ce patrimoine, justement.

Il n’a eu cesse de me mettre en garde, comme quelques autres, devant l’accumulation de matériels et les conditions de stockage… et les Gemini cricket sont salutaires !

Je ne viens pas là fanfaronner sur une réussite, en donneur de leçon, mais bien au contraire faire un retour d’expérience avec sa part de douleurs et parsemée d’échecs, pour que d’autres puissent éviter de les reproduire.

Car avant d’être totalement au pied du mur également, le salut est venu d’une idée : Le Game Center ! Impensable 30 ans en arrière sans passer pour un fou : acquérir un lieu pour sauvegarder un patrimoine vidéo-ludique.

Entraînant famille et bonne volonté dans des travaux pharaoniques qui continuent encore aujourd’hui et jusqu’à la fin des temps sans relâche. Je déconseille fortement de prendre cette voie, mettant en garde sur le véritable sacerdoce que cela représente et les dangers de vie que cela peut représenter (familial, physique, mental…).

Mettant toutes les ressources, et au-delà, dans cette vision, c’est avec la sueur que le Game Center est sorti de terre ! Mon dos et mes genoux vous saluent.

Folie, coup de chance, alignement des planètes, destinée, époque, opportunité… Mon caractère cartésien ne retient que le fait que d’innombrables années de travail et d’abnégation ont débouché sur une situation où nous pouvons affirmer aujourd’hui être pérenne dans la mission de sauvegarde du patrimoine vidéo-ludique ! Car rien ne vient plus mettre en danger ce patrimoine : ni une pression financière (loyer, emprunt…), ni une appartenance (ce patrimoine est sauvegardé maintenant au-delà de ma propre existence terrestre). Le danger reste la sécurité (catastrophe genre incendie) mais nous prenons les précautions maximales (bonnes habitudes, équipements, surveillance, répartition en plusieurs enceintes…).

En découle maintenant la possibilité, enfin, de pouvoir mieux accomplir nos missions de rénovations, de partages, de transmissions, etc.

 

On ne parle donc pas là d’argent partant en fumée dans un loyer mais de m² pérennes pour le patrimoine arcade.

Bien sûr qu’un modèle économique, basé sur des prestations de services, peut laisser penser avoir son destin entre ses mains… Mais non, c’est un mirage ! Preuve en est que tous ceux qui le pratiquent n’ont pas pour autant réglé le fond du problème évoqué ici et la crise sanitaire ne fait que rappeler brutalement le caractère incertain de l’évènementiel, incompatible avec le mot pérenne.

Alors les hommes prient les dieux : on se tourne vers l’état providence, système français où c’est à la collectivité de prendre en charge, de subventionner, mais je crois qu’entre la santé, l’éducation, l’économie… bref mirage encore ! Et ceux qui se sont approchés des sphères politiques y ont brûlé leurs ailes.

Viens alors la prière : mécènes, entreprises… là aussi mirage ! Incompatible de nature qu’ils sont avec le mot pérenne, qui englobe indépendance.

Reste l'époque de la mendicité numérique : sorte de dernière chance devant une urgence. Urgence qui n’en est pas une car le marché qu'on fustige a seul intérêt de garantir la non destruction de ce matériel !  Le désarroi de ne pas pouvoir assumer son choix de sauvegarde du patrimoine, mêlé à son orgueil bien placé : « on ne va pas perdre tout le travail ou ne plus revivre ces bons moments de partages quand même ?» font penser être légitime à le faire et aveuglent sur l’indécence de la demande.

Alors se lancent trop souvent des campagnes de financements participatifs où les utopies mentionnées plus haut font au final dilapider l’argent bienveillant dans un système qu’on condamne au demeurant, tel que le prix du m², et qui ne fait, au mieux, que repousser l’inévitable problème. Dommage…

Ne pensez pas que je sois fataliste : des solutions peuvent exister !

Mais pour cela il faut à mon sens prendre d’abord ce recul d’analyse, prendre le temps des échanges avant de foncer, se gardant du nombrilisme local ou national : un patrimoine ne nous appartient pas ! Se projeter au-delà de « son asso », de « sa ville », de « son pays » …

Des solutions à explorer par exemple :

Commencer par l’entraide : stockage provisoire de matériels pour dépanner un passionné ou collectif ayant un coup dur est une mission à inclure dans la sauvegarde du patrimoine. C'est une action concrète, pratiquée dans nos locaux par le passé, en ce moment même, et dans le futur si nécessaire.

Et si le miracle du Game Center a pu se produire, alors peut-être qu’il peut servir à tous ou bien trouver d’autres formes pour se réaliser par d’autres à nouveau, autrement, ailleurs…

Ou mieux, ensemble : la mutualisation étant une piste ! Venir sur un principe de fédération ? Ha la voici venir mon utopie que je développerai peut-être dans un autre billet, celui-ci étant déjà dense.