L'histoire veut que la chute du rideau de fer en '89 a sérieusement entamé les budgets alloués à l'armée américaine et que ses fournisseurs de composants électroniques ont dû trouver d'autres débouchés pour vendre leurs puces que les simulateurs militaires de l'Oncle Sam. Sega s'associe alors en 1992 avec Lockheed Martin (l'équivalent ricain de Dassault) et invente l'avenir avec un Virtua Racing intégralement polygonal. Poser le derrière dans un cockpit de Virtua Racing, c'est alors envoyer aux chiottes une décennie de sprite scalers. On ne peut plus revenir en arrière, Hang On et Outrun deviennent obsolètes, l'avenir ne peut être que la 3D en temps réel.
Joli coup pour Sega qui impressionne le monde entier presque une année entière avant de se faire désintégrer sur ses propres plates-bandes par le Ridge Racer de Namco et sa nouvelle nouvelle révolution de 3D texturée : le monde ne sera plus jamais pareil. Sega ne peut plus rien faire, la bataille des arcades a été remportée sans coup férir... Que nous croyons.
Printemps 1994 : "quand on attaque l'empire, l'empire contre-attaque". Daytona USA sort dans les salles d'arcade du monde entier et Namco doit manger son chapeau en pleurant à chaudes larmes. Tout ce que proposait Ridge Racer, Sega le fait en mieux. L'animation est plus fluide, les graphismes sont plus fins, la musique est plus mieux et le ciel d'un bleu bien plus profond. Il y a plus de pistes aussi, et plus variées. L'intro vous en envoie plein la figure comme jamais avec ses effets de caméras, les reflets des nuages dans les vitres des bagnoles et cette bande son rock-funk-jazzy chantée à pleins poumons par un mec qui y croit corps et âme. Mettre une pièce de 10 balles (francs) dans un Daytona c'est plus que devenir pilote de Nascar pour les prochaines minutes, c'est aussi vivre fugacement l'expérience d'une journée parfaite dans un monde parfait.
"Gentlemen, start your engines" Oui, on vient de se faire appeler "messieurs" par la machine, trop classe. La caméra commence par présenter le véhicule par l'avant, en contre-plongée, avant de faire le tour et de se placer dans le dos (ou le cockpit grâce aux boutons VR), la course se lancera à pleine vitesse, un compteur 3-2-1 et quelques précieuses secondes de patience avant de prendre le contrôle du volant et, waouh, une impression de puissance comme on n'en a jamais ressentie. On doit impérativement se concentrer sur le circuit et du coup on ne fait pas attention au tachymètre bloqué à 300 à l'heure. Les arbres défilent sur le côté comme des grains de sable dans un coup de vent, on entraperçoit une pub pour un casino avant de passer sous un jackpot incrusté dans une arche de pierre. Ca ne paraît même pas saugrenu, juste bizarrement américain. Les yeux d'un homme sur une affiche, un Sonic géant taillé dans la pierre, on a déjà fait un tour de circuit, le cerveau n'arrive pas à traiter toutes les infos visuelles.
On dépasse une voiture ou deux, on se rappelle qu'on est là pour faire la course, pas pour rester la bouche ouverte, et on commence à se concentrer sur ses trajectoires de conduite. Comme un Bourgeois Gentilhomme des arcades, on est en train de faire une course de NASCAR sans le savoir, uniquement focalisé sur la sensation de vitesse. Purée, on avait bien vu Jours de Tonnerres à l'époque mais impossible de faire le rapprochement.
Dès sa naissance Daytona USA est l'alpha et l'omega, le Super Mario Bros, le Parrain des jeux vidéo de courses automobiles, la référence absolue à laquelle tout sera désormais instinctivement comparé. Juste assez réaliste pour donner à tous l'envie de s'y mettre, juste assez arcade pour récompenser chaque partie. Souvent imité, jamais égalé, ce sera finalement de grand drame de Sega de ne jamais plus pouvoir invoquer à nouveau cette insolente perfection malgré de forts belles prestations dans les années à venir (je pense à toi, SCUD Race, on t'aime toujours tu sais).