En parallèle se développe une presse vidéoludique florissante, les magazines essaiment à droite et à gauche, spécialisés en tout et n'importe quoi. On commence à claquer son argent de poche dans les belles revues en papier glacé pour s'informer, savoir où investir les 400 francs parentaux dans une cartouche neuve pour son prochain anniversaire, et puis on devient peu à peu accro aux photos d'écrans de jeux exotique et toutes les news en provenance du Soleil Levant.
On apprend l'existence d'une machine incroyable, une vraie petite borne d'arcade uniquement vendue au Japon : la NEC PC Engine. Coup de foudre immédiat pour cette machine visuellement du niveau de la Megadrive mais infiniment plus exotique, plus proche de ce qui nous passionne au Club Do'. Quelques mois de patience encore et un beau jour, on a enfin la bête en mains. Et pas pour jouer à n'importe quoi, non Monsieur, ce luxueux pad avec autofire et câble de 30 cm, on va l'utiliser avec le plus gros hit disponible du système : Super Star Soldier.
La classe, c'est inné, ça ne s'explique pas, ça se ressent. Super Star Soldier, rien qu'à assister à ce zoom étoilé en intro et cette musique martiale mais dansante, on est déjà aux garde-à-vous. Après, on appuie sur "run" et en quelques secondes ont sait qu'après cette Hucard, les autres jeux de tir ressembleront à des bouts de carton animés image par image. La musique rythmée et dansante accompagne un level design pétillant et pédagogue : une vague d'ennemis, panpanpan, un bonus rouge, plus de pruneaux dans figure des ennemis à la seconde, une autre vague d'ennemis, un autre bonus rouge, encore plus de pruneaux multidirectionnels et ooooh, un bonus bleu, on arrose soudain l'écran de cercles lasers bleus rapides mais faibles. Le premier niveau est un didacticiel à peine déguisé (à l'époque où cet horrible mot n'existait pas), calibré pour maîtriser le jeu et faire monter l'adrénaline juste ce qu'il faut. Le vaisseau est juste assez rapide, les ennemis juste assez foisonnants, les boulettes juste assez gênantes, le niveau juste assez long et le boss juste assez énorme et résistant.
Ca foisonne de petits détails, les vagues d'ennemis se succèdent mais la visibilité n'est jamais en défaut. Techniquement, c'est très fort : encombré mais fluide et surtout réactif, super rapide et joyeux. Les consoles 8 bits sont bien sûr enterrées illico mais même les quelques shoots qu'on a vu sur Megadrive ne font pas le poids, et ne parlons même pas des micro-ordinateurs... Xenon 2, le poids lourd de l'époque, ressemble soudain à un petit vieux tremblotant sur son déambulateur.
On a du mal à croire que tout ça tient sur un support gros comme une carte de crédit, ça tournerait sur une borne d'arcade, on y mettrait la pièce direct.

Super Star Soldier, c'est aussi et surtout le level design japonais à son zénith, une histoire sans mots qui s'écrit écran par écran, des émotions transmises par le placement des ennemis et des armes spéciales, un concert rythmé par les bips aigus des coups sur le vaisseau et le vacarme des smart bombs. Les quelques secondes d'hésitation avant d'affronter le gigantesque mecha vert, le niveau désertique qui se termine sur un scorpion géant, le boss final multitransformiste...
Aujourd'hui qu'on a joué à tout, les emprunts/hommages au grand ancêtre Gradius apparaissent soudain tellement évidents : un design par ci, une animation par là... Mais Hudson a sublimé l'inspiration originale par le rythme fou et le placement des bonus. On apprend vite à ne pas se précipiter sur une nouvelle arme, à se concentrer sur une couleur plutôt qu'une autre...  La partie, on la termine avec les yeux secs et le pouls à 200 à l'heure, et il reste encore le Caravan Stage en bonus pour se lancer un défi de scoring en 2 ou 5 minutes.
Du début à la fin donc, Super Star Soldier est une petite merveille qui reste aujourd'hui encore un mètre-étalon du jeu de tir. Les années ont passé, les pixels ont laissé la place aux supercalculateurs de salon mais la licence, indivisible de la console Nec, reste un souvenir vivace dans le coeur des amoureux de shoot'em up.

Laissez moi finir ces quelques lignes sur une petite musique joyeuse et me téléporter vers le haut de votre écran avec un effet de rémanence. "Stage Clear", fwooosh !