Les japonais de Data East ont choisi la voie de l'efficacité en achetant la licence Captain America : un beat'em all avec un scénar qui tient sur un demi ticket de bus. Le grand méchant Crâne Rouge (Donald Trump sans perruque, sauf que c'est Hitler) a inventé une machine pour contrôler les esprits des autres méchants Marvel et les lancer à l'attaque de la ville. Pas de métaphore du fascisme ou de dénonciation courageuse du lobby militaro-industriel, hein, juste le point de vue des nippons sur ce que devrait être une aventure normale de super héros. Deux ou trois écrans fixes pour bien tout expliquer aux retardataires : d'honnêtes citoyens fuyant les forces du mal, des individus louches en collants et Crâne Rouge qui vous regarde droit dans les yeux en ricanant comme un malade de Parkinson.

Et c'est parti pour choisir son Avenger favori du moment entre un roster de rêve : Cap' lui même, mâle alpha dopé comme un coureur du Tour de France. Iron Man l'homme de fer, difficile à croire que sous l'apparence d'un robot, c'est un milliardaire suave et moustachu (et alcoolique). Oeil de Faucon : archer d'élite et têtu comme un âne, son vrai pouvoir spécial est d'envoyer chi... de remettre en question l'autorité de Captain America à chaque occasion. Vision : on dirait Superman mais tout blanc et chauve, si vous ne lisez pas les comics vous n'entendrez parler du personnage que dans 30 ans sur Disney +...
On peut jouer à 4 en même temps, les personnages sont de force égale avec de petites variations dans les pouvoirs : Cap' lance son bouclier, Vision devient intangible...
On valide son perso, on entend la foule applaudir. Purée, on se sent déjà super. Un nouveau coup de la chiptune grandiose qui annonce les sauveurs du monde et on prend enfin les choses en main dans les rues envahies de robots génériques maléfiques. C'est là qu'on se dit que les sprites à l'écran ne sont quand même pas très gros.
Il faut être honnête, c'est loin d'être le plus beau jeu de l'époque face aux animations fluides des Tortues Ninja de Konami ou aux visuels grandioses du King of Dragons de Capcom.

Si vous n'aimez pas les super héros ce n'est certainement pas cette borne qui va vous faire changer d'avis, mais ce jeu a un vrai charme simple, à la limite de la parodie, et bénéficie surtout d'une jouabilité complète et parfaite : les héros Marvel peuvent courir, enchaîner des combos et lancer leurs coups spéciaux au sol ou en l'air en quelques manips faciles avec le stick et les boutons. Les patterns des adversaires sont parfaitement lisibles, on voit et on comprend toujours ce qui se passe à l'écran, la borne n'est pas une avaleuse de pièces à la difficulté artificielle comme chez Konami, ici on a toujours l'impression de savoir ce qu'on fait. On cogne, on esquive, on contre-attaque, on ramasse un caillou, une poubelle ou un distributeur de coca d'une main et boum, prend-ça dans la gueule tas de boulons.
Le premier niveau narre une attaque de banque déjouée par les Avengers dans un style délicieusement naïf. Les méchants sortent du bâtiment avec des sacs de dollars dans les mains et se moquent des héros. Captain America prend alors une pose héroïque et répond dans un engrish d'anthologie "why should it goes well ?". Et effectivement, on se pose bien la question sur ce qui pourrait mal tourner lorsque deux vilains de seconde zone répondent mal à un vétéran de la deuxième guerre mondiale testostéroné.
Je vous passe les pafs et les boums qui s'ensuivent et 50 mètres plus avant, nouveau concours de vanne à la cour de récré : "Ne t'échappe pas ! " "C'est toi qui va t'échapper !" William Shakespeare n'est pas bien loin, la beauté philosophique de ces échanges arracherait des larmes à une statue.
Le premier boss vaincu on monte sur les toits admirer les lumières de la ville avant de monter sur des motos volantes et se lancer dans une petite phase shoot'em up charmante qui mène à un "robot géant" tout à fait impressionnant (et tu te dis soudain que tu lis peut-être trop de comics parce que tu te demandes pourquoi une Sentinelle des X-men attaquerait les Avengers)
On enquille les niveaux , la difficulté augmente mais la jouabilité reste sans faille jusqu'à l'affrontement final sur (bien évidemment) une base secrète lunaire contre l'abominable Donald T.. Crâne Rouge qui n'échappe pas à la tradition du boss à transformations.
Et on quitte la borne sur une générique de fin tout ce qu'il y a de plus classique. Blablabla paix mondiale, blablabla merci héros... On a un peu mal aux doigts et aux poignets mais on a aussi le coeur léger et le sourire fier aux lèvres de celui qui a accompli un acte héroïque.
Dans quelques décennies, ces mêmes personnages feront rêver des dizaines de millions de personnes au cinéma... On ne peut pas encore le savoir mais le jour où ça arrivera, on ne sera pas vraiment surpris non plus.