House of the Dead deuxième du nom c'est d'abord une borne d'arcade magnifique, lugubre comme une maison hantée et attirante comme Elvira. Un bel écran cathodique qui affiche des graphismes HD (pour l'époque) et deux gros flingues en plastique qui ne demandent qu'à tirer dans la foule (de morts vivants). Et le titre qui vous explose dans les oreilles, scandé par la voix rauque d'un japonais qui essaierais d'imiter Fantômas.
Pas de maison des morts ici en fait (c'était juste pour le premier épisode), mais carrément une ville entière pour vous adonner au plaisir direct, viscéral, de tirer sur les gens mais avec la meilleure excuse du monde, c'est qu'en fait les gens c'est des monstres.
Certes une minuscule intro reste à subir afin de s'immerger dans l'univers dramatique mitonné par Sega, mais elle est tellement courte et directe qu'en fait on lui pardonne. Souviendez-vous : une rue désolée d'architecture européenne, baignée dans la lumière chaude et rasante de l'automne, une Aston Martin décapotable qui fonce, suivie par une mystérieuse silhouette ailée, un conducteur en costard et cette réplique qui vous hante encore 20 ans plus tard, énoncée à la manière d'une bande audio d'anglais niveau 6ème : "We are meeting G over there". (repeat after me : we. are. meeting. G (dji). over. there.... Over. Theeere).
Qui est G ? Où est ce "over there" ? Pourquoi est-ce que Donald et Picsou ne portent pas de pantalon ?

Pas le temps de creuser la philosophie profonde de ces questions, la voiture freine brusquement, arrêtée par une sorte de gargouille à la voix stridente comme ta femme quand t'as fait une connerie. Apparemment, cette horrible bête s'est déjà occupée de "G" et ce ne serait que le début. Le début de quoi ?? Franchement, on ne sait pas et on s'en fiche un peu, on est là pour tirer sur des morts-vivants et oooh, ça y est, ça commence enfin : deux individus patibulaires s'approchent. On sait que ce ne sont pas des gentils parce qu'ils sont borgnes, hirsutes et qu'ils sont torsepoil, bref c'est soit des SDF, soit des zombies. On leur tire dessus juste pour voir, ça fait des trous dans la viande gros comme des ballons de foot et on a la confirmation qu'on est pas là pour distribuer de la soupe et des couvertures.

On remarque le réalisme de l'expérience, les révolvers ne tirent que 6 coups et il faut régulièrement recharger comme avec des vrais armes. Il y a également un système de localisation des dégâts : tirer dans la tête élimine plus vite que tirer dans les bras. Ces petits détails subtils renforcent l'immersion et encouragent le joueur dans son "roleplay" d'agent secret armé en pleine apocalypse zombie à la recherche de son camarade tombé au combat (ou un truc du même genre).
Les cadavres fondent dans une mare de sang vert ou rouge, un détail gore bien sympa et aussi vachement pratique pour libérer la mémoire vidéo.
Notre héros pénètre dans le premier bâtiment venu et oh, purée, quelle horreur, un cadavre humain (=habillé) sous une table. Repeat after me : How Could Anyone Do This ? Howww Coud AnyOne Doo This ? L'émotion se mélange maintenant à l'adrénaline, ces horribles choses dépenaillées tuent des vrais gens, elles ne méritent décidément aucune pitié. Et c'est reparti pour une nouvelle vague de zombies menaçants et une nouvelle rafale de balles pour se défendre
(prenons une petite seconde pour admirer le level design d'orfèvre).


Même pas à la moitié de la pièce, enfin, on retrouve ce fameux "G" (ma femme me sussure à l'oreille que je ne l'ai en fait jamais trouvé...). Est-ce déjà la fin du jeu ? G est à terre, blessé au flanc. La logique voudrait qu'on le porte jusqu'à la voiture garée devant et qu'on fonce aux urgences mais non, il bredouille avec conviction qu'il y a un ennemi dont il faut se méfier et une mission plus importante à accomplir. On laisse donc notre ami se vider de son sang à terre et on continue vers l'inconnu, armé de sa seule conviction et de son six-coups. Deux survivants passent soudain devant nous, tentant d'échapper à la mort. Si vous êtes assez rapide pour tuer leurs poursuivants vous serez remerciés par des soins, sinon vous aurez droit à une des plus bouleversifiantes interprétation d'agonie depuis Marion Cotillard dans Batman.

Tout cela n'est qu'un amuse-gueule, une entrée en matière avant tout le reste, à base de plus de zombies de toutes les tailles, des armés et des fondants, des métalliques et des griffus, des sangsues et des chauves-souris et plus encore dans une ambiance musicale qui convoque et entremèle l'orgue d'église et la musique de foire.

House of the Dead 2 ce n'est finalement qu'un tir aux pigeons mais quand le jeu sort en 1998, c'est juste le top absolu au niveau technique. Des millions de polygones texturés en HD, une animation fluide et ultra-rapide, comme une série Z qui aurait le budget d'un blockbuster, un film d'horreur bien teubé avec des centaines de figurants en décor naturel à Venise. Sega mise encore la carte de l'horreur, bien tendance depuis la déferlante Resident Evil trois ans plus tôt, mais en fait c'est que pour de faux. Beaucoup d'action dans un rythme de jeu impeccable qui vous envoie un nouveau défi à la minute, mais finalement rien de vraiment choquant. Les titans ensanglantés qui font office de boss des fins de niveaux sont très impressionnants de premier abord mais tombent finalement très vite.
On triomphe de la peur en s'y confrontant donc, et entre ça et l'absurdité totale de cet univers, revendiquée et omniprésente, impossible de crever de trouille. Sega veut juste divertir et la mission est accomplie à 100% mon capitaine.
Une suite sortira en 2002, sympathique mais franchement pas meilleure, puis un quatrième épisode en 2005. La série est à ce moment là dans le même état de fraîcheur que ses antagonistes et même si on peut prendre encore un peu de joie à flinguer en écoutant des répliques débiles, le coeur n'y est décidément plus.

Mais en attendant, House of the Dead 2 fait donc un triomphe dans les salles de jeu et l'oeuvre est adaptée un an plus tard à la perfection sur l'incroyable Sega Dreamcast où je te soupçonne, lecteur(trice), d'avoir essoré le jeu plusieurs dizaines de fois. Je te soupçonne encore d'avoir un jour rangé le jeu, le flingue et la console pour de bon, jusqu'à refaire peut-être quelques années plus tard un ou deux trips nostalgiques à la télécommande sur l'adaptation Wii ?
Aujourd'hui on a des grands écrans plats HD dans nos salons mais on ne peut plus brancher les vieilles consoles en péritel dessus, et de toute façon, les pistolets optiques ne sont plus compatibles. Alors on se garde House of the Dead 2 dans un petit coin de bons souvenirs dans son coeur, rangé bien soigneusement à côté du chien de Duck Hunt et de la manette PS1 posée par terre pour esquiver dans Time Crisis. Et on caresse peut-être même l'idée d'aller un jour à la cave dépoussiérer la vieille télé cathodique et la Dreamcast jaunie...