A peine le disque inséré dans la PS2, une bombasse blonde vous chauffe en une seule réplique avant que la musique d'intro vous gueule dessus. Si vous attendiez des descentes de ski sur les bruits feutrés de la board sur la neige fraîche, repartez sur Nintendo 64 : SSX Tricky vous envoie un tombereau de fun à la gueule, ça passe ou ça casse. On appuie machinalement sur le bouton start et changement d'ambiance, on a l'impression de se retrouver au purgatoire sur une ambiance synthé éthérée avec la voix de Dieu (si Dieu était Jessica Rabbit) qui vous souhaite la bienvenue.

On se retrouve devant un carrousel de métal, comme autant de cellules de prison métaphoriques qui retiennent votre futur avatar. La voix féminine sexy vous ordonne de choisir, et vous faites alors défiler les usual suspects, une drôle de bande franchement entre la femme fatale du générique, le nerd habillé arc-en-ciel avec une coupe afro, la top model black qui sue la classe, le bouseux US massif avec une queue de cheval, l'obligatoire japonaise kawaii et son voisin de captivité, grand gaillard couvert de tatouages et probablement serial killer, j'en oublie et des meilleur(e)s.

On ne sait pas dans quoi on se lance, on choisit un peu au pif et hop, sur la ligne de départ de Garibaldi, la première piste, avec les adversaires. 4, 3, 2, 1 et c'est parti, boulet de canon, tout le monde qui fonce en même temps. On en profite pour essayer la caméra avec le stick droit et PAF, on file un pain qui laisse KO la fille qui essayait de doubler sur la droite. Le compteur d'énergie explose comme une attraction foraine et la musique hurle à nouveau comme au générique. Sous le coup de l'adrénaline, la réalité se distord autour de soi, on réalise qu'on a jamais joué à un truc pareil… On chute alors d'un bon 50 mètres de haut avant d'atterrir comme une fleur sur la poudreuse et la course se poursuit comme si tout cela était bien normal dans la vraie vie des champions de glisse.

La puissance bien exploitée de la PS2 se fait rapidement sentir : l'espace s'ouvre, la piste se divise, on touche du doigt la liberté de mouvement d'un vrai monde ouvert comme aucun jeu de ski n'en avait jamais proposé jusqu'à ce jour. On se sépare complètement du peloton en prenant un raccourci à peine visible, la descente est longue, passionnante, et après ce qui semble des heures on atteint la ligne d'arrivée. On est deuxième, on sait qu'on est amoureux.

SSX Tricky est audacieux et inventif en quasiment chaque point de son gameplay. Chaque personnage a ses capacités propres qu'on améliore en finissant les courses mais la spécialisation n'est pas un avantage crucial, rien n'empêche de piocher l'un ou l'autre au gré de ses envies ou ses besoins. Le système de jeu encourage l'agressivité ou la technique (ou les deux tant qu'à faire) grâce à la jauge de "trick" dans laquelle on peut piocher à tout loisir pour accélérer… À condition de l'avoir auparavant remplie à grand renfort d'acrobaties aériennes, de kilomètres de grinds ou de coups de poings dans la tête de ses camarades de course. Camarades qui ont d'ailleurs chacun son caractère propre : il faut apprendre à connaître ses amis et ses ennemis sur le parcours et gérer ses accès de violence en fonction des personnages. Pro tip : les filles se détestent toutes, comme dans la vraie vie.

Les parcours, enfin, sont exceptionnels tant en termes d'inventivité que de construction. Après deux pistes "classiques" à travers les sapins vous dévalerez bientôt les pentes à travers une ville endormie, un parc d'attraction, une mine abandonnée au milieu des Appalaches, une autoroute de glace en Alaska et, last but not least, une montagne de glace sculptée en pleine fonte dans les eaux paradisiaques de Hawaii. Les passages secrets pullulent, le hors-piste est encouragé, rien ne va jamais en ligne droite et si on se retrouve coincé, une pression sur le bouton triangle téléporte automatiquement sur le droit chemin avec une pénalité de temps minuscule. Du fun, du fun, rien que du fun, surmultiplié encore par l'autre versant du jeu axé uniquement sur les combos d'acrobaties.

Les suites il y en a eu plein, elles amélioraient bien sûr l'aspect technique, proposaient de nouveaux riders et des parcours plus longs et mieux structurés, mais la bonne humeur générale manquait soudain à l'appel, le petit grain de folie avait cédé sa place à la cool attitude, le côté arcade facile à picorer mutait vers le jeu d'aventure où il fallait investir des heures. SSX s'est ainsi progressivement affadi avant de s'évaporer comme un flocon de neige au milieu de la période 360/PS3.

Quand je repense à SSX Tricky, je me rappelle la jaquette bof bof, un achat impulsif en occase pour occuper le week-end, la révélation à la première partie mais surtout la bande de potes en vacances chez moi que j'ai retrouvé un après-midi devant la télé : le jeu était resté dans la console, ils l'avaient découvert et passé toute la journée dessus.