La cartouche japonaise estampillée Bandai (fabricant de jouets à l'époque), achetée à prix d'or, trône fièrement sur l'adaptateur dans la Super Nintendo française, un exemplaire de F-Zero ou Super Mario World collé aux fesses. Nos rêves enfin exaucés, un jeu de combat DBZ !
Fièvreusement on lance la console, un fond d'écran noir, une voix digit un peu perçante nous souhaite la bienvenue (on pense que c'est la voix de Krilin, on apprendra plus tard que Goku adulte est doublé par une femme au Japon... ). Quelques images sobres, et l'arrivée de l'écran d'intro sur fond de ring du Grand Tournoi d'arts martiaux. Les menus sont en japonais mais c'est pas grave, on appuie sur start sur la première option et c'est parti pour le mode aventure qui commence sur l'ultime duel en public entre Goku et Piccolo, soit symboliquement la fin de la série Dragon Ball avant d'enchaîner sur l'infiniment plus rentable DBZ.

Pour être parfaitement honnête, même pour l'époque et même à travers les lunettes roses de l'enfance plus un amour inextinguible pour la licence, il est difficile de s'enthousiasmer sur l'aspect du produit. Couleurs un peu ternes, graphismes appliqués mais sans relief, animations minimalistes. Mais c'est GOKU et PICCOLO à l'écran, quoi, alors on a le coeur qui bat quand même plus fort. On teste les boutons à la recherche des poings et des pieds, des coups forts et des coups faibles et euh... Ce n'est définitivement pas un nouveau Street Fighter 2. On découvre un bouton qui active une petite boule de feu, les gâchettes servent à dasher en avant et en arrière, c'est plutôt malin et le bouton (x), oh ! Il fait voler son perso et l'écran se splitte d'un coup entre celui qui est en l'air et l'adversaire resté au sol. Joli truc technique qui met aussi en valeur la vraie singularité du soft : les attaques spéciales dévastatrices à base de rayons énergétiques. Ca tombe bien d'ailleurs parce que Piccolo resté au sol nous envoie un gros MAKANKOSAPPO des familles dans la figure. On cherche à parer, à esquiver, à contre-attaquer ou même à bouger un peu quoi, mais Goku reste paralysé comme sa figurine en caoutchouc qu'on a au dessus du bureau, et il se prend toute la puissance du rayon énergétique. Grosse explosion (super moche), et la barre de vie se vide notablement.

On se relève, on retombe au sol (bouton (x), je rappelle) et on se dit qu'il est temps d'essayer le corps à corps. Hum... C'est mou, un peu lent, les coups au corps à corps ne donnent aucune impression d'impact. On tente les quarts avant et arrière habituels avec la croix de direction, on saute avec l'impression que la gravité lunaire s'est emparée du tournoi. C'est sûr, on est pas devant un jeu à combos. On spamme un peu les coups de pied en bas, on lance une boule de feu riquiqui et, euh, on gagne parce que l'ordinateur joue comme une brêle.

Deuxième niveau : affrontement contre le terrible Vegeta au milieu du désert. On commence à remarquer les digits vocales, qui sont très réussies. On a compris que s'éloigner ou voler ça sert à rien à part rester paralysé en se prenant des patates nucléaires au visage, alors on spamme au corps à corps et... Ca marche (parce que l'ordinateur...)

Troisième niveau, affrontement contre Freezer sur la planète Namek, tout aussi vide que le niveau précédent mais en teintes de vert au lieu du marron. Quatrième niveau, les androïdes du Ruban Rouge... en plein désert, etc... etc... Vous connaissez la série par coeur, et très probablement le jeu aussi. Disons pour les nouveaux(elles) venu(e)s que les décors ont un thème commun : le vide, avec parfois quelques effets de parallaxe pour ne pas faire oublier qu'on est censé jouer sur une machine moderne.

Sur le moment on devrait se sentir volé et caresser l'idée d'arracher la cartouche pour la lancer par la fenêtre mais en fait non. On a déjà parfaitement compris dans sa tête de gosse que c'est un produit développé à la va-vite pour vendre aux fans mais honnêtement, passé la prise en main un peu erratique, on s'amuse bien en fait, et d'autant plus avec les copains le samedi sur la grosse télé. Le roster varié propose 13 personnages, soit beaucoup pour l'époque, et on est vraiment content de pouvoir jouer des nouvelles têtes qui n'apparaîtront que dans quelques mois à la télé. Le mot "spoiler" n'existe pas en cette époque à la préhistoire d'internet.

On se fait des tournois, on disserte et on s'engueule avec enthousiasme sur qui est le meilleur entre Goku ou Vegeta, et surtout tout le monde est au même niveau (nul) en ce qui concerne l'envoi ou la parade des attaques spéciales. On trouve même au bout de quelques temps des passionnés qui arrivent à maîtriser le jeu et à sortir des vrais enchaînements.
L'ambiance sonore s'avère aussi être un gros plus avec ses digits vocales de bonne qualité et ses compositions musicales entraînantes, à mi-chemin entre la variété et la musique d'ascenseur.

A l'époque donc tout est simple :  tout le monde adore DBZ le dessin animé et tout le monde aime jouer à DBZ le jeu vidéo, même avec ses gros défauts. La cartouche marche d'ailleurs tellement bien en import que Bandai finit même par sortir officiellement le jeu traduit en français (avec de jolies coquilles, mais passons...).

La suite on la connaît, un Butôden 2 qui arrive à la vitesse record de 9 mois plus tard, et quand on voit le jeu, on comprend un peu pourquoi. Une légère amélioration technique et des graphismes un peu plus soignés mais le roster et le nombre de niveaux sont divisés par deux. Quant aux musiques je ne sais pas, on a l'impression que le compositeur a enregistré son synthé quand des chats ivres se baladaient dessus.

Bandai laisse le marché se reposer presque un an avant de sortir Butôden 3, copie conforme du deuxième épisode mais avec des nouveaux persos. La poudre aux yeux ne marche plus du tout, on se le fait prêter une fois ou deux par le copain riche qui achète tout mais on a déjà les yeux braqués sur la puissance polygonale de la Playstation.


Bien sûr aujourd'hui le fan indécrottable de DBZ a littéralement des dizaines de titres à se mettre entre les doigts pour une série qui bénéficie depuis plus de 20 ans de prouesses graphiques en cell shading (sans faire de jeu de mot) reconstituant aussi bien les personnages à la perfection que la dynamique de leurs affrontements animés. En passant pudiquement les ratages 32 bits, dès la génération PS2 jusqu'à la PS4 en passant par les Nintendo DS et 3DS, la Wii, le Kinect ou l'arcade ou même les gratuiciels sur smartphones, l'univers dynamique et passionnant de Akira Toriyama décline encore et toujours les mêmes histoires sur autant de support qu'il le faudra pour satisfaire les fans de 7 à 97 ans et enrichir sans fin Bandai, devenue Mme Bandai/Namco.

Et pourtant je vous l'avoue, rien de tout cela n'aura jamais plus suscité une telle montée d'adrénaline que lors de ces samedis entiers sur la super Nintendo avec les copains.