dimanche 19 mars 2023

Repair Log #3.06: Rolling Thunder (Namco, 1986)

Et de 50 ! J'ai le plaisir de vous proposer le 50ème Repair Log depuis le début de ces articles fin mars 2021 il y a donc deux ans. Alors pour l'occasion, je vous propose un article double sur l'excellent Rolling Thunder avec en prime la rétro-ingénierie et reproduction du composant dédié Namco CUS130.

Rolling Thunder est un run and gun -ou plutôt un walk and shoot- sorti en 1986 chez Namco, et qu'Atari distribuera hors du Japon en réalisant au passage une bien jolie borne. le jeu est assez pauvre graphiquement, mais il est largement compensé par son gameplay, son ambiance et l'intelligence de ses ennemis. A bas bruit, il inspirera toute une génération de jeux tels que Robocop, Secret Agent, Sunset Riders, Toki et surtout Shinobi dont on retrouve quasiment tous les éléments (action sur deux niveaux, caisses pour éviter les tirs, upgrade de l'arme, découpage des niveaux etc ...).

Côté hardware, le jeu tourne sur le hardware System 86 qui est composé de deux 6809 et d'une dizaine de composants dédiés Namco. C'est l'une des raisons qui explique qu'il n'existe pas de bootleg de ce jeu, seul SUNA s'est aventuré à en produire une pâle copie, Super Ranger. Deux suites ont été produites, Rolling Thunder 2 en 1991 ainsi qu'un 3, uniquement sur Megadrive.

Namco signe là un hit, qui fut massacré en son temps lors de son portage sur les ordinateurs personnels, par US Gold, l'éditeur de sinistre mémoire qui transformait l'or en plomb. L'équipe de tâcherons de Tiertex étaient chargés du développement. A eux deux, ils sont responsables des pires adaptations d'arcade sur Amiga (Street Fighter 1, Strider, Thunder Blade, Out Run, After Burner et j'en passe).

Symptômes PCB#1 : sprites et décors glitchés.

Le PCB est en bon état, complète avec sa carte son :

Il y a quelques traces d'intervention antérieure, avec notamment ce custom CUS43 soudé directement sur la carte mère sur son emplacement en 6N :

En plaçant la carte sous tension, les couleurs des personnages ne sont pas les bonnes :

L'avantage de cette carte est que bon nombre de composants dédiés sont placés sur support et se prête à des tests croisés. En inspectant la zone de génération des sprites, je tombe sur ce selecteur 74LS173 en 10R dont au moins la sortie en pin 5 est HS :

Je retire le composant :

Verdict :

Après remplacement, les sprites reprennent des couleurs. Mais très provisoirement. Après quelques instants, les personnages deviennent tout noirs !

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, les couleurs ne sont toujours pas impeccables sur les sprites. Je reste dans la zone et je trouve un second 74LS173 suspect en 10P. Je le retire ...

et il échouera misérablement au test hors circuit. Encore un 74LS173 du même fondeur ...
Je le remplace, les sprites s'affichent désormais avec des couleurs parfaites :

Passons aux décors. Pour un oeil non averti, on pourrait s'arrêter là. Mais lorsqu'on y regarde de plus près, on voit que le garde-corps ainsi que le contour des portes ne sont pas de la bonne couleur. Comparons avec cette capture d'écran de MAME, c'est très léger :


Le circuit de génération des décors est articulé autour de deux custom (CUS43) et de deux CUS42 soudés en surface. Ces deux derniers sont les générateurs de tiles, les blocs qui vont constituer les décors.

Souvenez-vous, ils sont utilisés aussi dans Metro Cross de Namco. Dans notre cas, ils fonctionnement parfaitement car les décors sont correctement générés.

Le CUS43 ressoudé directement sur la carte mère en 6N attire mon attention. Ces deux CUS43 fonctionnent de pair avec les deux CUS42 et ces deux paires génèrent décors et scrolling. Pour effectuer mon test croisé, je le dessoude et place un support lyre avec un espacement de 1.77mm :

Le composant est désormais conformatblement installé dans on support, et un test croisé me permet de confirmer le bon fonctionnement de la paire de CUS43. Je choisis comme point de départ la PROM bipolaire en 4V, qui contient les informations de couleurs pour les décors. Un test croisé avec celle d'un autre PCB fonctionnel la mettra hors de cause. Les UVPROMs et autres SRAMs sont sur support et sont conformes aux tests hors circuit.

Que reste-t-il ? Un 74LS158 en 5U (en rouge sur le schéma) :

Je le retire :

Verdict :

Je pose un remplaçant et le glitch affectant le garde-corps et le contour des portes a disparu :

Je peux enfin profiter d'une bonne partie pour valider la réparation et évaluer mes skills. Maboo est très satisfait :

Bilan : 

1x74LS173 @ 10P (Texas Instrument)
1x74LS173 @ 10R (Texas Instrument)
1x74LS158 @ 5U (Texas Instrument)

Si ce PCB était couvert de TTL Fujitsu, ce sont 3 TTL Texas instruments qui étaient finalement HS.

Symptômes PCB#2 : Pas de musique

Ce second PCB est en relativement bon état, malgré l'absence d'un custom CUS98 en boîtier SIL :

Ce composant n'empêche pas le démarrage du jeu, il est utilisé pour la génération du signal /RESET principal et de la gestion du compteurs de crédits entre autres. Contre toute attente, le jeu démarre sans glitchs graphiques :


La musique est absente, les bruitages sont bien présents (bruits de pas, tirs ...), mais très étouffés. Je commence par regarder la partie audio, composée du processeur sonore YM-2151 et de son DAC YM-3012 :

Ces deux composants sont placés sur support. Le DAC YM-3012 en 4C est très rouillé, et pour cause, il se révèlera HS à la suite d'un test croisé. Après remplacement, pas de changement ce qui est logique, il n'intervient pas dans la génération des bruitages. Un oscillateur anime ce circuit. Enfin, en temps normal car dans ce cas, je n'ai absolument aucune modulation :

En y regardant de plus près, une résistance a été changée en R12 :

Mais ce n'est pas la bonne valeur. Le schéma indique une valeur de 1MOhm.

Et la résistance précédemment changée montre une valeur de 100 ohm hors circuit :

Je la remplace. L'oscillation est de retour, de même que la musique :

Cette fois, les bruitages ont à leur tour disparu. Le circuit de génération des bruitages est placé sur une carte fille :

En faisant un test croisé avec une autre carte fille, musique et bruitages sont effectivement bien présents. Le problème vient donc de cette carte fille. Elle est composée d'un microcontrôleur, d'un composant dédié Namco, de plusieurs Maskroms et quelques condensateurs. Les bruitages étant bien présents avant le changement de la résistance, j'exclus d'emblée les composants logiques. En mesurant l'ESR (résistance série équivalente) des condensateurs, le composant placé en C1 ne me donne même pas de lecture :

Il a du être arraché. Je le retire :

Et je place un composant de remplacement. Les bruitages sont de retour, la musique aussi. Je fais quelques parties pour valider cette réparation. L'absence du CUS98 n'impactant pas le bon fonctionnement du jeu, je referme le dossier.

Bilan :
1 YM-3012 en 4C
1 résistance en R12 (1K au lieu de 1MOhm)
1 condensateur en C1

Reproduction du composant CUS130

En travaillant sur un PCB de Rolling Thunder qui ne démarrait pas, je me suis rendu compte via un test croisé que le composant custom CUS130 en 8A était HS.

Ce décodeur d'adresse n'est utilisé que sur Rolling Thunder. Sur le schéma, il est identifié comme CUS41 :

Une fois, je suis tombé sur un PCB qui disposait d'une carte fille à la place de ce custom. J'ai donc demandé à mon ami Bruno Sentinelle de Gamoover de me prêter la carte fille en question afin de la reproduire. Même si ce circuit a déjà fait l'objet d'une reproduction antérieure, je tenais à réaliser ma propre version.

La carte est composée 4 TTL et de deux PAL 16L8 sur support. Problème, les TTL sont limés afin d'en faciliter l'identification et les deux PAL protégées. Je commence par extraire proprement les composants :

Et je scanne le PCB recto et verso afin d'en extraire le schéma facilement pour la reproduire. Pour identifier les composants limés, je fais appel à mon fidèle testeur de TTL, qui a la particularité de les identifier. Ici, il détecte une bascule 74LS74 :

J'identifie les autres composants sans problème. Viennent ensuite les PAL. Ces deux PAL sont protégées et ne peuvent pas être lues comme une EPROM classique avec un programmateur chinois type Minipro ou XGEcu. Je dumpe donc toutes les combinaisons possibles et je réduis les équations.

Après quelques instants de traitement, j'obtiens deux fichiers au format .jed, pour pouvoir les écrire sur une GAL 16V8, très communes et effaçables électriquement.

Après avoir réassemblé la carte, je programme donc deux GAL, que je place en lieu et place des PAL de la carte :

Résultat : le jeu démarre parfaitement. Il ne me reste plus qu'à envoyer mon prototype en fabrication et assembler la carte. Le composant d'origine est particulièrement paneux, cette repro tombe donc à point nommé.

Merci beaucoup à Bruno pour le prêt de sa carte.

Missions accomplies

Cher Lecteur,

C'est mon 50ème Repair Log publié sur le blog du James Game Center. Lorsque je me suis lancé dans cette aventure, je n'imaginais pas écrire autant d'articles. Rassurez-vous, ce n'est pas le dernier mais pour autant, je ne sais pas si j'arriverai à 100.

Ces carnets de réparation sont extrêmement longs à écrire. Parfois, je mets 10 fois plus de temps à le rédiger qu'à réparer un PCB à proprement parler. Parfois, l'article lisse le temps passé sur une carte (une réparation entamée il y a deux ans et terminée récemment). J'essaie dans la mesure du possible de les écrire en bon français et le plus détaillés possible. Malheureusement, trop peu de commentaires sont déposés sur le blog et finalement se pose la question de l'audience de ces billets et donc de leur pertinence. J'essaie, à travers mes réparations de faire découvrir des titres obscurs et dés réparations qui n'ont pas été faites 100 fois sur d'autres blogs.

Si je n'arrive pas à capter l'attention de mon lectorat, peut-être est-ce de ma faute après tout ou que finalement, ça n'intéresse personne.

Passé ce billet d'humeur, je tiens à remercier les personnes suivantes et tout d'abord le patron, James, pour me permettre de documenter ces réparations sur son blog. Merci à Maestro Corrado Tomaselli pour m'avoir donné l'envie de faire d'aussi beaux articles que les siens sur Jammarcade.net. Merci aussi aux membres et amis pour certains d'Arcade Jamma France qui se reconnaîtront.

Enfin, je vous remercie vous, chers et fidèles lecteurs.

A dans 15 jours.

Michel

 

dimanche 12 mars 2023

L'histoire dans le jeu vidéo : Soldats inconnus : mémoires de la grande guerre

Aussi bizarre que cela puisse paraitre pour un titre traitant du premier conflit mondial, Soldats inconnus : mémoires de la grande guerre n’est ni un jeu d’action, ni un jeu de guerre.

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dimanche 5 mars 2023

Repair Log #3.05: Toki (Tad Corp, 1989)

Toki est un jeu de plateformes assez original sorti chez Tad Corp, en 1989. Vous incarnez un homme transformé en singe après que de méchants monstres aient kidnappé sa copine. Il doit affronter 5 niveaux avant de la retrouver et de retrouver par la même occasion son apparence humaine. Derrière cette ébauche de scénario improbable se cache l'un des jeux de plateformes les plus emblématiques de cette période. Le jeu est varié, original et doté d'une difficulté bien dosée. Le jeu était également très populaire en son temps et il fut brillamebnt adapté sur Amiga par l'équipe d'Océan France.

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mardi 14 février 2023

Repair Log #3.04: Choplifter (Sega, 1985)

Choplifter est un cas atypique dans l'histoire des jeux d'arcade. C'est en effet le premier jeu à passer du monde de la micro informatique vers celui de l'arcade. En 1982, Dan Gorlin a développé Choplfter sur Apple II avant que Sega n'adapte le jeu en arcade trois ans plus tard. Peu de jeux eurent droit à cet privilège, on peut citer Boulderdash, Loderunner, Pitfall II et Tetris.

Côté hardware, le jeu est développé sur la plateforme Sega System 1, techniquement basique, mais sur laquelle on trouvera plus tard des hits tels que Wonderboy ou MyHero. A noter la version Master system de Choplifter qui est un modèle d'adaptation d'arcade sur console.

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dimanche 5 février 2023

Repair Log #3.03: Nemesis / Gradius (Konami GX400, 1985)

Nemesis (Gradius au Japon) est LE chef d'ouevre de Konami. C'est le shoot-them up horizontal fondateur du genre déjà ébauché par Scramble dont il est l'enfant prodige. Sorti début 1985, il devait d'ailleurs s'appeler Scramble 2. C'est le jeu de tous les superlatifs, une profusion de sprites, de couleurs et de l'apparition du système de Power UP. Premier jeu de l'année au Japon, plus grosses recettes en Grande Bretagne en 1986 et 7 suites parmi lesquelles Salamander. Il est également adapté sur toutes les plateformes 8 bits de l'époque. Même le vénérable R-Type lui empruntera de nombreux éléments.

Le jeu est d'abord sorti en arcade sur un hardware à base de support magnétique non-volatile, la bubble memory, une technologie malheureusement très sensible aux champs magnétiques et couteuse à l'époque. Le jeu se chargeait alors en mémoire à l'allumage, impliquant un petit temps de chargement. Cette version fut vite abandonée au profit d'un hardware plus classique. Le système GX400 de Konami sur lequel est basé le jeu est architecturé autour d'un 68000, d'un Z80 pour l'audio et d'une quantité impressionnante de composants propriétaires consacrés à l'affichage.

Aujourd'hui, ce sont DEUX cartes Nemesis que je vais examiner.

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dimanche 22 janvier 2023

Repair Log #3.02: Stratovox (Taito, 1980)

Stratovox est un shoot-them up conçu par Taito, dans la lignée de Space Invaders. Il faut sauver des bonhommes des affreux aliens qui seraient tentés de les enlever. Ce jeu a une particularité : c'est le premier jeu parlant de l'histoire, le jeu s'appelle Speak & Rescue au Japon.  Lorsque un bonhomme se fait enlever par un alien dans la version japonaise du jeu, il crie : "Tasukete!" (Au secours !). Taskete, c'est justement le titre du bootleg fabriqué par Karateco, la branche arcade des frères Stambouli. Le jeu est basé sur un processeur Z80.

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mercredi 18 janvier 2023

MSX, ports cartouches et slot expanders

Un nouveau petit billet sur le MSX ça vous dit ? Oui ? Non ? Ok, on y va...

Aujourd'hui, nous allons nous attarder sur les slot expanders (ou étendeurs de slot en français dégueu). Tout d'abord, il faut savoir que le standard MSX imposait normalement 2 ports cartouches sur tout ordinateur personnel estampillé MSX (seuls quelques MSX, notamment de la marque Casio n'ont qu'un seul port cartouche).

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dimanche 8 janvier 2023

Repair Log #3.01: Crack Down (Sega, 1989)

Crack Down tourne sur le System24 , un système fort atypique, conçu par Sega en 1988. Côté hardware, il peut s'apparenter à une version dégradée du system16b ou du system18.
Il est articulé autour d'un lecteur de disquettes. Double avantage pour Sega : réduire ses coûts et proposer une plateforme réutilisable pour plusieurs jeux. Ici, plus besoin de romboards ou d'EPROMs, le jeu tient sur une disquette. Autre innovation l'affichage est en 24Khz, permettant des graphismes plus fins.
Malheureusement, le système est aussi fiable qu'une disquette : sa durée de vie est par conséquent très limitée et le formatage propriétaire de la disquette ne permet pas une duplication facile. De plus, avec une résolution améliorée, les graphismes prennaient plus de place sur la disquette. Graphiquement donc, si la plateforme bénéficiait de graphismes plus fins, ceux-ci étaient donc moins variés. Enfin, le 24Khz n'était pas vraiment la norme. Séduisant sur le papier, le System24 fut au final un échec.
Peu de systèmes Sega S24 ont survécu de nos jours, il est désormais assez rare d'en trouver, encore plus rare d'en trouver un fonctionnel.
Au final, peu de jeux sortiront sur la plateforme, et encore moins de hits. Tout au plus on peut citer HotRod, Bonanza Brothers, Scramble Spirits et bien sûr... Crack Down.

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